Analyses Out-Law 5 min. de lecture
05 Nov 2021, 12:14 pm
L’Ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés a été publiée au Journal officiel du 16 septembre et entrera en vigueur le 1er janvier 2022. Les dispositions relatives au registre des sûretés mobilières et au gage automobile entreront en vigueur à une date qui sera fixée par décret, au plus tard le 1er janvier 2023.
Dans un objectif de simplification, divers gages spéciaux ont été abrogés : le gage commercial, le warrant hôtelier et le warrant pétrolier, le nantissement (le gage) d’outillage et de matériel d’équipement ainsi que le gage de stocks. Seul le droit commun du gage s’applique désormais, afin d'améliorer la lisibilité du droit des sûretés.
Cette réforme du droit des sûretés répond ainsi à un triple objectif : sécurité juridique; renforcement de l’efficacité des sûretés, et renforcement de l’attractivité du droit français.
De manière à poursuivre la dématérialisation rendue nécessaire pendant la crise sanitaire, la signature électronique des actes de sûretés est généralisée et autorisée, pour permettre un parcours de souscription « full online ». La signature électronique ne concerne donc plus uniquement les sûretés consenties par une personne pour les besoins de sa profession mais s’applique à toutes les sûretés réelles et personnelles.
Simplification et unification des règles – La réforme du droit des sûretés simplifie les règles applicables au cautionnement et regroupe l’ensemble des dispositions applicables au sein du Code civil permettant ainsi une unification des règles. La protection de la caution personne physique est désormais généralisée et s’applique indifféremment aux consommateurs et aux dirigeants (quelle que soit la qualité du créancier).
Mention « manuscrite » – Le régime de la mention est simplifié et dématérialisé. Le texte imposé de la mention que doit reproduire la caution personne physique est supprimé. La mention manuscrite reste exigée pour la validité du cautionnement, à peine de nullité, mais aucune rédaction précise n’est imposée. Il faudra alors faire preuve de vigilance lors de la rédaction pour que la nature et la portée de l’engagement de la caution soient assez claires et précises.
Opposabilité des exceptions – Dans ses rapports avec le créancier garanti, la caution pourra opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur, à l’exception de celles liées à sa défaillance.
Devoir de mise en garde – Le devoir de mise en garde concerne les rapports de toute personne physique avec un créancier professionnel, et ne pèse donc plus exclusivement sur les établissements de crédit. Ce devoir ne porte plus que sur l’inadaptation de l’engagement du débiteur principal à ses capacités financières. Le manquement au devoir de mise en garde est désormais sanctionné par la déchéance du créancier à son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci.
Proportionnalité – La réforme intègre dans le Code civil l’exigence légale de proportionnalité du cautionnement. La disproportion ne s’apprécie qu’au jour de la conclusion de l’engagement. Disproportionné, le cautionnement est désormais réduit à hauteur des capacités financières de la caution au jour de l’engagement, au regard de son patrimoine et de ses revenus.
Défaut de subrogation – La réforme modifie le régime du bénéfice de subrogation en prévoyant que la caution ne peut reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d’une sûreté, diminuant le contentieux existant en la matière.
La réforme n’a pas bouleversé le régime des privilèges mobiliers mais a transformé, pour l’avenir, les privilèges immobiliers spéciaux soumis à publicité par des hypothèques légales. Par ailleurs, la prohibition des hypothèques portant sur des biens futurs est levée et le maintien de la couverture hypothécaire en cas de subrogation à l'ensemble des accessoires est étendu.
La diversité des règles actuelles de publicité des sûretés mobilières, avec en particulier une multiplicité de registres, est source de complexité et nuit à l'attractivité internationale du droit français. La réforme innove en prévoyant, pour l’ensemble des sûretés mobilières à l’exception du gage de véhicule automobile, la centralisation des inscriptions mobilières.
Afin de permettre le développement de certains types de financement (par exemple, éolien ou solaire), la réforme consacre la validité du gage d’immeubles par destination. Ainsi, la constitution d’un gage de droit commun sur des biens meubles qui ont vocation à être intégrés aux bâtis (par exemple, turbines ou panneaux solaires) facilitera le financement dans le domaine des énergies renouvelables. En outre, la réalisation du gage est simplifiée. En effet, compte tenu de la disparition du gage commercial et dans l’hypothèse où le gage est constitué en garantie d’une dette professionnelle, la possibilité pour le créancier de faire procéder à la vente publique des biens gagés est introduite dans le droit commun du gage. Par ailleurs, le régime du gage des choses fongibles est modernisé notamment en ce qui concerne la faculté d’aliéner les biens affectés en gage.
La réforme clarifie le droit du créancier nanti au paiement : le créancier nanti bénéficie, après notification au débiteur, d’un droit de rétention sur la créance nantie qui lui donne un droit exclusif à son paiement. Ce droit de rétention est opposable à la procédure collective. Cependant, dans le cas d’un compte bancaire nanti, le créancier nanti ne peut bloquer les sommes du compte nanti au seul motif de l’ouverture d’une procédure collective.
La réforme consacre la validité d’un nantissement de compte de titres financiers en l’absence d’ouverture de compte fruits et produits. Est ainsi expressément prévu la possibilité pour les parties d’exclure conventionnellement les fruits et produits de l’assiette du nantissement de compte de titres financiers. S'agissant des exigences relatives à l'ouverture du compte fruits et produits en toute monnaie, celles-ci sont assouplies de manière à atténuer les difficultés et délais que peut engendrer l'ouverture d'un tel compte auprès d'établissement de crédit, notamment lorsque le constituant a son siège social à l'étranger. Le compte fruits et produits peut ainsi être ouvert à tout moment à compter de la signature de la déclaration de nantissement, jusqu'à la date à laquelle la sûreté peut être réalisée. Si ce compte est ouvert, le nantissement rétroagira à la date de la déclaration du gage et à défaut, les fruits et produits seront exclus de l’assiette du nantissement.
La validité des sûretés de rangs successifs est consacrée par la réforme, s’agissant du nantissement de créance et du nantissement de compte-titres. En effet, lorsqu’une même créance fait l’objet de plusieurs nantissements, le rang des créanciers est réglé par l’ordre des actes, la date de leur déclaration. Par exception, le rang des créanciers peut être aménagé conventionnellement.
La réforme prévoit que la fiducie peut garantir des dettes futures qui doivent alors être déterminables, tandis qu’est supprimée l’obligation d’évaluer les biens qui sont transférés dans le patrimoine fiduciaire.
La cession de créance de droit commun à titre de garantie et la cession de somme d'argent à titre de garantie sont consacrées.
La cession de créance à titre de garantie - Cette nouvelle sûreté opère un véritable transfert de la propriété de la créance, de manière temporaire contrairement à la cession de somme d'argent à titre de garantie. Ecartant la jurisprudence qui refusait d’y reconnaître une sûreté, cette cession est opportune car elle permet de garantir tout type d’engagement et est ouverte à tous les créanciers contrairement à la cession Dailly réservée aux établissements de crédit, FIA et sociétés de financement. La cession de créance à titre de garantie est soumise au droit commun de la cession de créance. À noter que cette cession ne bénéficie pas du traitement favorable en cas de procédure collective comme la cession Dailly.
La cession de somme d'argent à titre de garantie – Cette nouvelle sûreté opère un véritable transfert de propriété de la somme d’argent du cédant au cessionnaire à titre de garantie, de manière définitive. La désignation des sommes d’argent cédées risque de soulever des difficultés, notamment lorsque cette sûreté est utilisée pour venir garantir des opérations renouvelables entre les mêmes parties. Le principe de libre disposition des sommes cédées par le cessionnaire est réaffirmé et la cession est opposable aux tiers par la remise de la somme d’argent sans qu’une publication ne soit nécessaire.