Guide Out-Law 11 min. de lecture
25 Jun 2020, 10:36 am
A la suite de la promulgation de cet état d'urgence sanitaire, un confinement a été déclaré dans l'ensemble du pays jusqu'au 11 mai 2020 afin de limiter la propagation du virus. L'ouverture d'un certain nombre de commerces et établissements tels que les supermarchés non-essentiels, les musées ou encore les écoles et universités, a en conséquence été interdite. Aux termes d'un décret du 11 mai 2020, le confinement a été partiellement levé, permettant ainsi aux individus de se déplacer et aux entreprises et établissements de rouvrir (sous certaines conditions), étant précisé que ce confinement est restétoutefois applicable à certains commerces, tels que les bars et restaurants (à l’exception des services de ventes à emporter, livraisons à domicile et room services).
Co-écrit par Elodie Seddoh de Pinsent Masons.
Une nouvelle étape est intervenue le 2 juin 2020 sur le fondement d'un décret du 31 mai 2020, permettant aux bars et restaurants de rouvrir et de servir les clients dans la limite de 10 personnes sur une même table, les bars et restaurants situés dans les collectivités classées orange ne pouvant toutefois recevoir la clientèle qu'en terrasse. Aux termes d'un décret publié le 15 juin 2020, les dernières collectivités classées orange ne sont plus que la Guyane et Mayotte.
Aux termes de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, les clauses prévoyant des astreintes, des clauses pénales, des clauses de résiliation ou les clauses prévoyant une déchéance, déclenchées par l'inexécution d'une obligation contractuelle (les "Clauses de Défaut") pendant la période allant du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration d’une période d’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire (la "Période Protégée"), ne sont pas opposables pendant cette Période Protégée.
L'état d'urgence ayant dans un premier temps été déclaré jusqu'au 23 mai 2020, cette Période Protégée expirait initialement le 23 juin 2020. Après avoir été prorogée dans un premier temps jusqu'au 10 août 2020, le gouvernement a par la suite réduit la durée de la Période Protégée pour qu'elle expire finalement le 23 juin 2020.
L'ordonnance 2020-427 précise la date de reprise d’effet des Clauses de Défaut selon que l'obligation contractuelle à exécuter pendant la Période Protégée était exigible avant ou après le début de la Période Protégée (c'est-à-dire avant ou après le 12 mars 2020) comme suit :
En pratique, cette nouvelle ordonnance signifie que:
L'ordonnance n° 2020-427 couvre également les obligations - autres que les obligations de paiement - devant être exécutées après l'expiration de la Période Protégée.
A cet égard, l'ordonnance 2020-427 précise que l'application des Clauses de Défaut déclenchées par l'inexécution d'une obligation contractuelle devant être exécutée après la Période Protégée sera différée :
En pratique, s'agissant d'un contrat de promotion immobilière prévoyant une réalisation des travaux le 25 août 2020,
Les délais ou périodes pour résilier ou s'opposer au renouvellement automatique de contrats échus au cours de la Période Protégée(courant du 12 mars 2020 jusqu'au 23 juin 2020) sont prolongés de deux mois après la fin de ladite période (c'est-à-dire jusqu'au 23 août 2020).
En pratique, pour un bail commercial ayant débuté le 21 octobre 2017 qui prévoit pour le locataire un droit de résiliation pour le 20 octobre 2020 moyennant un préavis de 6 mois, soit un congé devant être délivré au plus tard le 20 avril 2020, le locataire sera en droit de délivrer son congé jusqu'au 23 août 2020.
Compte tenu du fait que cette prorogation est susceptible de réduire la durée du préavis (pour les baux prévoyant des facultés de résiliation pour les dates comprises entre le 13 septembre 2020 jusqu'au 24 décembre 2020) de 4 mois à 20 jours, il existe une incertitude sur le point de savoir si les congés (valablement notifiés pendant la période allant jusqu'au 23 août 2020) ne devraient être effectifs que six mois après leur signification. En l'état de la législation la question reste ouverte.
Tous les délais prescrits par la loi ou le règlement et échus en principe pendant la Période Protégée et portant sur des formalités, déclarations, notifications ou publications devant être effectuées sous peine notamment de nullité, sanction, caducité ou forclusion, ne seront décomptés qu'à compter de la fin de la Période Protégée et ne pourront excéder deux mois.
Cette disposition n'est pas applicable aux délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, ni aux obligations de remboursement de sommes d'argent résultant de l'exercice de ces droits.
En pratique, dans le cas où un propriétaire envisage de vendre à un tiers un immeuble loué à un locataire unique en vertu d'un bail commercial, et au cas où le locataire s’est vu notifier son droit de préemption légal le 20 mars 2020, le délai légal d'un mois au cours duquel le locataire est tenu de répondre est suspendu. Ce délai d'un mois ne commencera à courir qu’après l'expiration de la Période Protégée (c'est-à-dire le 24 juin 2020) et expirera donc le 23 jullet 2020.
Aux termes de ces ordonnances, les délais durant lesquels une administration est tenue de prendre une décision concernant l'exercice ou non de son droit de préemption (droits de préemption des municipalités et des SAFER) étaient jusqu'alors suspendus jusqu'à la fin de l’état d’urgence.
Quelques jours avant la promulgation de la loi prolongeant l’état d’urgence, le gouvernement a publié le 7 mai 2020 un décret prévoyant la suspension des délais jusqu’à la fin de la période initiale d'état d'urgence (soit le 23 mai 2020), afin de ne pas tenir compte de la prolongation de l’état d’urgence et permettre une reprise d'activité.
Dès lors, les délais de préemption de l’administration qui n’ont pas expiré au 12 mars 2020 sont suspendus jusqu’au 23 mai 2020 et reprendront le 24 mai 2020.
Si ces délais devaient commencer à courir après le 12 mars 2020, leur point de départ est reporté au 24 mai 2020.
En pratique :
Les locataires concernés par ces dispositions sont les microentreprises qui font l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou qui sont éligibles au fonds de solidarité répondant à un certain nombre de critères (locataires ayant notamment moins de 10 salariés et un chiffre d'affaires hors taxes au titre du dernier exercice inférieur à 1.000.000 €, ayant subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % entre le 1er et le 31 mars 2020).
Ces microentreprises ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du non-paiement du loyer ou des charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de 2 mois après la fin de l’état d’urgence.
Ainsi, cette période de protection expirait initialement le 24 juillet 2020 (soit le 24 mai plus 2 mois). Depuis la promulgation de la loi prolongeant l’état d’urgence jusqu'au 10 juillet 2020, cette période de protection arrivera désormais à son terme le 10 septembre 2020 (soit le 10 juillet plus 2 mois).
Dans ce cas, le loyer et les charges sont toujours dus mais les propriétaires ne pourront se prévaloir du défaut de paiement pour mettre en œuvre ces clauses. Ils auront toutefois la possibilité de demander leur paiement en vertu du droit commun en recourant au juge.
En pratique :
L'article 1218 du Code civil prévoit la force majeure comme hypothèse justifiant l'inexécution d'un contrat sans qu'il soit nécessaire de prévoir une clause spécifique dans le contrat en question.
Un événement répond aux critères de force majeure lorsqu'il (i) est indépendant de la volonté du débiteur, (ii) ne pouvait être raisonnablement prévu au moment où les parties ont conclu le contrat, (iii) empêche le débiteur d'exécuter ses obligations contractuelles et lorsque (iv) ses effets ne pouvaient être évités par des mesures appropriées.
En pratique, les tribunaux français semblent avoir été réticents à reconnaître des épidémies telles que les Chikungunya et Ebola comme étant des cas de force majeure, notamment en adoptant un test subjectif à l'issue duquel si le débiteur n'a pas lui-même contracté la maladie, le "test de force majeure" n'est pas satisfait. Il reste à voir si les tribunaux français dans le cas de la pandémie Covid-19 suivront la même logique.
Toutefois, les mesures prises par le gouvernement français pour limiter la propagation du virus peuvent être considérées comme des cas de force majeure selon les situations concernées (fermeture des locaux ouverts au public, employés tenus de travailler à distance) étant précisé qu'une note officielle du gouvernement datée du 17 mars 2020 a affirmé la nécessité de la poursuite des chantiers.
En pratique :
En tout état de cause, l'existence d'une situation de force majeure dans le cadre d'un contrat de droit privé restera soumise à l'appréciation souveraine et in concreto des tribunaux français.
L'article 1195 du Code civil, applicable aux contrats conclus à partir du 1er octobre 2016, prévoit un droit de renégociation des stipulations contractuelles en cas de changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rendant l'exécution des obligations contractuelles excessivement onéreuse pour une partie.
En mettant en œuvre cette disposition, une partie déclenche une période de renégociation des termes et conditions du contrat. Si les parties parviennent à un accord, le contrat est réputé renégocié et son exécution se poursuit selon les nouvelles conditions. Si les parties ne parviennent pas à un accord, une deuxième phase s'ouvre au cours de laquelle elles peuvent convenir de résilier le contrat à une date et à des conditions qu'elles fixent, ou demander ensemble aux tribunaux d'adapter les conditions contractuelles. Si les parties ne parviennent toujours pas à trouver un accord dans un délai raisonnable, une troisième phase s'ouvre, permettant à l'une des parties de demander aux tribunaux soit de réviser le contrat soit de le résilier.
L'application de l'article 1195 du Code civil n'est toutefois pas d'ordre public, de sorte qu'il est souvent contractuellement exclu par les parties.
En pratique :